I. LES QUESTIONS DU ROI

Pensez-vous que la magie a sa place dans le royaume › La question n'a qu'une réponse : oui. La magie fait partie de ce monde. Elle est la source du mal qui assure la balance universelle. Toutefois, il arrive que pour conserver cet équilibre, la magie soit parfois usée à bon escient. Après ce qu'elle a vu, les abominations combattues et les aides perçues par des êtres magiques, Riven ne range pas catégoriquement la magie dans la case « démoniaque ». Ce n'est pas pour autant qu'elle cherchera à s'y essayer. D'une parce qu'elle n'est pas sorcière et de deux parce qu'elle n'y connaît pas grand chose, finalement. Le choix du Roi à l'égard de la magie lui semble malgré tout drastique.
En quoi croyez-vous › Son enfance est bercée de récit contant les histoires des dieux Entitéa. Bien qu'elle se souvienne de leurs rôles et de leurs principales fêtes, Riven n'a plus pratiqué la religion depuis des décennies. Si elle y croit ? Sûrement au même titre qu'elle croit en Elizabeth que ses parents ont bravés. Tout comme elle peut croire que Dieu vie dans la pluie, les arbres et les montagnes. Son éloignement de la civilisation modèle d'O'hara lui accorde quelques lacunes auxquelles Riven n'a jamais cherché à palier pour le moment. Cela ne l'empêche pas de nourrir quelques crédits aux superstitions communes et autres légendes urbaines.
Comment trouvez-vous le roi › Le Roi fait de son mieux pour être juste et bon. Il n'est pas l'exemplaire défenseur du peuple mais ni la maladie, ni la guerre, ni la famine n'assiègent les villes. Malgré les révoltes paysans par-ci et là, le royaume semble prospérer. Riven n'en attend pas plus de lui. Ce serait pure utopie qu'il ne songe à s'intéresser aux histoires des petites gens et des malheurs parsemés qui s'abattent sur certaines familles. Et quand bien même, il ne jurerait que par le dessein décidé par ses dieux, ce qui ne résoudrait absolument rien. Autant que ce soit lui plutôt qu'un autre.
Vos ambitions dans la vie › Au début destinée à être mariée à un seigneur et vivre une vie sereine loin de la misère et des problèmes du monde, le chemin tracé de Riven a subi bien des influences qui lui ont fait toucher le fond d'un puits. Déshéritée, déshonorée, elle n'a pour seul choix que de se battre pour survivre. Qui viendrait s'intéresser à une fugitive ? Ses atours de guerrière n'y changent rien : quel homme voudrait d'une femme qui a des couilles ? Riven a choisi le seul sentier qui lui reste : défendre ses valeurs pour permettre au monde d'être meilleur. Certes, elle n'est qu'un grain de sable dans un désert, néanmoins c'est toujours mieux que de se laisser mourir. Se battre est sa seule salvation. Riven ne se bat pas dans une armée, elle n'a pas les atouts masculins pour, ni au service d'un dieu ou d'un quelconque ordre. L'alignement chaotique lui confère cette douce liberté de n'être dirigée que parce qu'elle juge bon et juste. Cela lui coûte bien des dommages mais celui qui la fera se ranger dans les cases de la société n'est pas né.

II. LE RÉCIT DE VOTRE VIE

Un matin de cendre se lève sur les plaines du comté. L'aube a levé le voile d'ombre de la nuit pour dessiner la première rosée hivernale de cette année. Sur les terres du seigneur Duristan Lorrimor, la vie était paisible. Une bourgade non-loin de ses propriétés assurait l'abondance et la plénitude. Dipelmer était bien fréquenté. Des histoires de sorcières maléfiques pour effrayer les enfants, voilà tout ce qu'il y avait de mauvais. Le cœur des hommes y était sain, pur. Chacun vivait paisiblement. Duristan était très respecté et aimé. Il faisait tout pour alléger les impôts de ses paysans afin qu'ils mènent une vie la plus simple possible. Sa femme, Embreth Lorrimor, était la fille d'un autre seigneur d'O'hara. Elle avait offert à son époux un garçon et une fille en même temps. Deux autres petites filles à deux années d'écart puis un second garçon, d'un an plus jeune que la dernière fille. Ils se nommaient respectivement Daramid, Symbelin, Vesoria, Gilraën et Fyriel. La fratrie avait ses hauts et ses bas. Mais tous s'aimaient très sincèrement. La famille était des plus unies et personne n'était mis à l'écart ou n'était dans le besoin. En même temps, ils avaient les moyens de vivre bien aisément malgré les taxes vu le nombre de terres qu'ils possédaient. Mais le calme ne semblait pas être la destinée des Lorrimors... Duristan recueillait des hommes et des femmes venues de l'autre monde. Cela n'était pas très bien vu dans les environs. Et bientôt des rumeurs naquirent : il est de mèche avec Farraige, il est son serviteur, il protège les sorciers et sorcières, Embreth mange des cerises et ils donnent des fleurs sauvages aux dieux. Les paysans commencèrent à soupçonner fortement leur seigneur : tant de bienfaisance ne pouvait être que suspect. Malgré les tentative pour endiguer ces fausses rumeurs, l'infidélité de Duristan et sa famille fut reportée auprès du roi qui appuya la révolte des paysans et des habitants de Dipelmer. Ayant eut vent de ce qui se préparait, Duristan chercha à éloigner ses enfants du domaine pour qu'aucun mal ne leur soit fait. Il n'avait plus que l'appui des étranger de ce monde pour se protéger. Ce fut un véritable bain de sang... La tête du seigneur tomba, Embreth fut déshonorée puis tuée. Mais les cadavres jonchant le sol de la rupine demeure n'avait pas satisfait les villageois : il fallait éradiquer la lignée des Lorrimors, qu'il n'en reste plus un seul. Une chasse à l'homme fut lancée par le prétendant au rang de seigneur pour retrouver la fratrie. Les protecteurs des enfants Lorrimors ne parvinrent à exhausser le dernier souhait de leur bienfaiteur. Les cinq rejetons se retrouvèrent réunis dans les cachots de ce qui fut leur maison au bout de quelques semaines.

Un nouveau crépuscule efface les couleurs de Dipelmer. Les travailleurs diurnes déposent leurs outillages pour rejoindre leurs chaumières quand dans la demeure seigneurial le sort de cinq enfants se dessine. Verront-ils l'aube se lever à nouveau demain ? C'est la question que les deux aînés se posent. Daramid, brave malgré l'adversité, défie du regard les gardes qui, autrefois, avaient juré allégeance à son père. Une seule envie : lui couper la tête et s'assurer que jamais il ne puisse être décemment inhumé. Symbelin, sage et réfléchie, serre la main de son frère benjamin encore très jeune qui n'a cessé de lui demander où était ses parents. Il n'a pas encore conscience du drame qui les incombe... Fyriel n'avait que trois ans, comment pouvait-il comprendre ? Vesoria et Gilraën, l'éternelle princesse et la teigne par excellence n'ont jamais été plus proches qu'à cet instant où ils étaient tous là, alignés face au siège de feu leur père. Prête à être jugées pour des présomptions infondées par un homme perfide et avide de pouvoir. Tous attendaient dans le silence la décision de Belik Herstag qui a vendu son prédécesseur au roi, s'assurant ainsi la reconnaissance de ce dernier pour lui attribuer le rang de seigneur qu'il a tant désiré jadis. Son rêve était réalité et il allait savourer les derniers choix qu'il devait prendre pour assurer qu'aucun ne viendrait plus jamais contester sa légitimité. Par qui allait-il commencer ? Qui verrait ses frères tomber un à un ?

- En tant que nouveau seigneur de Dipelmer, il m'est accordé de choisir n'importe quelle femme pour épouse. Et Embreth ayant été d'une beauté incomparable de son vivant, je vais choisir celle qui a le plus retenu de son doux minois.

L'homme se lève. Daramid va pour se placer devant ses sœurs. Un garde dégaine son épée mais Belik lui fait signe de rengainer. Symbelin a posé sa main sur le bras son jumeau pour comme pour le retenir de faire une bêtise. Mais le seigneur s'approche et dépose la lame de son épée sur son cou. Le contact froid de l'acier ne fait même pas ciller l'aîné. Belik le force néanmoins à dégager le passage en lui laissant une entaille. Son regard se pose ensuite sur les trois filles devant qui il fait quelques allés et retours. Ses yeux s'arrêtent sur Symbelin qui relève la tête.

- Tu m'as l'air d'être une mère redoutable. Protectrice et sage. Mais dans cette idée je pense que si je te choisissais, tu en serais heureuse. Tu aurais protégé tes sœurs de mon emprise.

Le regard de Symbelin se durcit. L'homme porte sa main sur l'une des mèches ondulées de Vesoria, terrifiée, prête à s'effondrer en sanglots. Gilraën lui serre la main en soutien. Mais cela ne suffira pas...

- Une vraie princesse. Ta mère a toujours cédé à tes désirs coquets et à partir de ce jour, ce sera à ton tour de céder à tous mes désirs, dit-il avec un sourire satisfait comme s'il venait de s'acheter un palais.
- NON !

Un garde intervient pour étreindre Symbelin et l'empêcher de s'interposer. Mais Daramid s'avance pour séparer Belik de Vesoria.

- Vous ne toucherez pas à ma sœur. A aucune d'elles, lança Daramid.
- Bien tenté. Mais tu me désoles... je comptais sur toi pour être mon écuyer. Fort et courageux que tu es. Malheureusement ta présence m'insupporte déjà...

Le seigneur tourne le dos et fait un signe à l'un des garde qui vint se saisir de l'aîné. Les deux hommes se battent alors que Symbelin tente de se dégager en vain. Les plus jeunes, effrayés, sanglotent. Un autre garde amène Vesoria vers l'un des sièges adjacents à celui du seigneur. On lui ordonne de ne pas bouger. Belik veut qu'elle voit le sort de ses frères se décider sous ses yeux. Le fer du garde vient transpercer le ventre de Daramid, arrachant un cri de douleur au reste de la fratrie.

- Si tu fais un seul faux pas, tu subiras le même sort que ton frère, lança-t-il à l'attention de Symbelin qui s'efforça de se reprendre.

Fyriel cesse ses pleurs, regardant son aîné gisant sur le sol. Belik l'observe quelque secondes avant de s'accroupir devant lui.

- Que sais-tu faire petit homme ? L'interroge-t-il avec un sourire presque paternel.

Le gamin ne détourne pas même son regard vers le nouveau seigneur. Belik le laissa à sa catatonie et se redressa. Du coin de l'œil il s'intéresse à Gilraën qui le défie du regard.

- Et toi ? Tu pourrais faire autre chose que catin dans une auberge ?
- Je pourrais vous transpercer le cœur avec n'importe quelle flèche, s'indigna l'enfant.
- Une archère ? Ce battre ce n'est pas pour les filles, dit-il en riant.
- J'ai chassé des milliers de fois avec mon père, je suis aussi valable que ses hommes ! Protesta Gilraën.
- Hum. Je ne tue pas les femmes. Mais si tu veux le travail d'un homme alors je te considère comme tel.

D'un signe de la main, il ordonne à un garde de tuer la fillette. Celui-ci hésite un court instant mais le seigneur semble insister, se délectant des tentatives de débâcle de Symbelin et le cri de Vesoria en pleurs. Fyriel reste ailleurs...

- Le gamin sera éduqué afin de devenir mon écuyer. Quant à l'autre, faites-en ce que bon vous semble mais que je n'entende plus jamais parler d'elle. Débarrassez les corps et déguerpissez, ordonna Belik.
- Je vous tuerais Belik Herstag, je vous tuerais même si pour cela je devrais attendre que vous rejoignez l'au-delà : je jure devant les dieux que j'aurais votre tête, clama Symbelin alors qu'on la conduisait hors de la pièce. JE VOUS TUERAIS !

Loin de tout, dans un commerce d'une ville du royaume de Gheimhridh, une esclave sert un aubergiste peu hospitalier. Les pièces, c'est tout ce qui l'intéresse. Pas question de partager ça avec une femme ou encore penser léger sa fortune à une quelconque progéniture. On l'enterrera avec ses pièces et ses tout ses biens ! Qu'une crypte lui soit octroyée bon sang d'bon soir ! Chopes et écuelles s'entrechoquent dans les quatre coins de la salle et les clients chantent des comptines détournées pour se réchauffer le cœur et combler le vide qui embaume leurs âmes putrides et desséchées. Cela répugne la jeune femme. Seule représentation féminine de l'établissement, son maître se fait parfois quelques cents en vendant l’attribut charnel de son acquisition. Il l'a achetée à un voyageur qui l'avait retrouvée errante et malade à la frontière du royaume d'O'hara. Elle ne parlait jamais. Son regard restait constamment vide et à part exécuter les ordres, elle ne faisait rien. Même lorsque son maître veut assouvir ses désirs elle ne fait rien. Il préfère ça aux bécasses de la ville qui ragotent et jacassent à longueur de temps ou encore aux pseudos prudes qui rechignent à la tâche. Les femmes n'ont qu'un seul rôle dans le monde : servir les hommes. Point.

- Quel est ton nom demoiselle ?
- Elle s'appelle pas ! Et c'est pas une demoiselle c'est ma main d'œuvre alors laissez-la travailler ou payez-la !
- « Pa ». Tu t'appelles Pa ?

Le voyageur lui offre un sourire.

Chaque mois, il venait à l'auberge passer une nuit. Au bout de sa troisième visite il décida de la payer. Lorsqu'elle dût le rejoindre dans sa chambre, il se contenta de lui parler. C'était un monologue qui n'aboutissait à rien. La fois suivante, idem. Il lui racontait quelques récits d'aventures. A la troisième fois, elle décrocha quelques mots.

- Vous mentez.

Silence.

- Je mens ?

Silence.

- Tu connais O'hara ?

Silence.

- Il n'y a pas de mage noir à Dipelmer. C'est une légende pour éloigner les enfants de la magie.
- C'est une bonne chose, selon toi ?

Pa haussa les épaules. Qu'en avait-elle à faire de la magie ? Quand bien même cela lui permettrait de fuir sa condition, où irait-elle ? La magie ne pouvait pas lui ramener sa famille. Même les nécromanciens de lui donneraient pas ce qu'elle désire : l'honneur de sa famille retrouvé. Chaque mois, le voyageur venait lui conter des histoires épiques : des sorcières, des abominations, des créatures, des villages mit à feu et à sang, des combats pour des causes, la libération des peuples, les nouveaux arrivants, les rois et les princes, les royaumes et les domaines, il lui contait ses faits d'armes et les chemins qu'il faisait. La seule question qu'elle lui posât : « pourquoi revenez-vous chaque mois ici ? ». L'homme ne lui répondit guère. A son départ cette fois, il laissa une bourse de pièces à Pa en lui souhaitant bonne chance, que quelque soit son chemin, elle sera guidée par l'aube et le soleil. Elle ne comprit pas et ne chercha pas à comprendre : garder la bourse en un lieu sûr, c'était sa seule préoccupation. Donner de l'argent à un esclave n'était pas très bien vu... les esclaves ne pouvaient avoir de possessions. Même les guenilles qu'elle portait n'étaient pas à elle. De plus, seul son maître était en droit de l'affranchir. Cependant, il lui semblait bon de conserver cette bourse cachée. Les jours de labeurs se succèdent et elle ressasse les histoires du mystérieux voyageur qu'elle attendait ce mois-ci. Jamais plus il ne revint...

Au bout du troisième mois, une lettre arriva à l'auberge. Une lettre vide. Le tenancier pesta contre l'inutilité de ce messager et de cette lettre et la jeta au feu. Le soir, quand Pa le raviva, elle tomba sur un bout de cette lettre. Un morceau s'était envolé sur le devant du bois. La moitié du sceau arrachée était pratiquement fondu mais l'esclave parvint à le reconnaître. La jeune femme ne peut s'empêcher de repenser à tout ce qui s'était passé. Et alors dans la pénombre d'une nuit d'hiver, Pa décida de s'enfuir. Déterminée, elle prit la route en gardant une pensée pour le voyageur qui, finalement, lui avait enseigné les dangers de ce monde à travers ses fables et aventures. Ce fut sans craintes que Pa avança dans le Gheimhridh pour rejoindre le royaume d'O'hara. La route était parsemée d'embûches et d'épreuves qui mirent à l'exercice les souvenirs de ses enseignements ainsi que son courage. Rien ne semblait pouvoir contrer sa lame lame qu'elle récupéra sur un champ de bataille abandonné. Des pilleurs contre des paysans. Il n'y avait pas beaucoup d'armes au sol mais une épée suffirait. Après quelques kilomètres, l'affranchie avait plus l'air d'une voyageuse que d'une esclave. On lui demanda son nom. C'est en se souvenant d'un récit de son émancipateur qu'elle se nomma : Faal'Krein. Riven, son prénom, était plus une signification personnelle qu'un réel symbole. Par quelques subterfuges et amis de voyage, elle parvint à passer du côté d'O'hara.

Les retrouvailles furent sans festivités. Bien qu'un sentiment d'être enfin chez soi conquît la jeune femme, elle ne se laissa pas attendrir ni déviée de son itinéraire : Dipelmer. Deux personnes l'y attendaient alors que quelqu'un l'avait sûrement oubliée. Lorsque Riven arriva, elle ne put que remarquer la famine chez les villageois. Les mines moroses, ils travaillaient à bout de force. Beaucoup de champs étaient laissés en jachère et les étales des commerces du bourg étaient à moitié vides. Sur la colline, le seigneur mange sereinement ses cinq plats de viande avec ménestrels et petite cour qui lui donnent des allures de roi de pacotille. Riven contemple quelques instant le domaine avant de glaner quelques informations sur la vie à Dipelmer. On dit que le seigneur impose deux fois les paysans, qu'il fait brûler les erreurs de la nature et les étrangers amenés par Elizabeth. On dit que sa femme est une larve qui n'est jamais parvenue à lui donner d'enfants, seulement des morts-nés. Certains rient de son état pitoyable. Riven peste sur les dieux : Vesoria était pourtant née un samedi à minuit. La nuit semble avoir prit le dessus sur le le fait qu'elle soit née un samedi... Son destin heureux, où était-il ? Le pauvre garçon qui était censé devenir l'écuyer du seigneur est porté disparu, beaucoup le disent mort dévoré par les bêtes sauvages. Bien qu'elle les respectait comme on doit le respect à des dieux, Riven ne pouvait s'empêcher de les haïr d'avoir abandonné toute sa famille au triste sort qui les a décimés et séparés. Les Lorrimors ne sont plus qu'un récit pour effrayer les enfants qui osent aller à l'encontre des bonnes manières : les garçons trop téméraires qui veulent la place du seigneur, les pleurnicheurs, les indécis, les filles qui se prennent pour des princesses alors qu'elles ne sont que filles banales et celles qui veulent une place d'homme dans la société. Quel était l'archétype attribué à Symbelin ? Cette fille Lorrimor ne voyait son récit que dans les humble et loyales familles persistantes : elle aurait été préservée par les dieux pour venger les siens, la protection et la sagesse qu'elle a tenté de leur insuffler l'incombent de devoir renverser Belik Herstag et de faire renaître Dipelmer. Elle est la lumière au milieu de la nuit, l'espoir au milieu de la peur et de la misère. Riven prit connaissance de ce conte un soir. Elle quémanda abri pour la nuit à un villageois qui accepta. Autour de la cheminée après un repas très rudimentaire, il conta le récit sous les notes nostalgiques d'une flûte en bois tenue par l'un de ses fils.

Impossible de trouver le sommeil. Ces histoires, l'idée que Vesoria soit là, si près d'elle, si près de lui... Riven quitta la chaumière et alla se faufiler sur la colline pour y accomplir son dessein. Elle connaissait les lieux mieux que quiconque : allez retrouver Gilraën dans les coins les plus insolites du domaine pour qu'elle daigne venir étudier ses leçons et vous comprendrez ! Mais à l'instant où l'affranchie se retrouva face au lit de Belik et de sa sœur, elle ne put se résoudre à le tuer. Il se réveilla et, percevant son hésitation, il transforma sa stupéfaction par de la provocation.

- Tu n'as pas la force de te servir de cette épée. Tu es morte aux yeux de tous. Tu n'existes plus. Alors quand bien même oserais-tu, on retrouvera ton cadavre et celui de ta sœur sur le parvis de la ville avant que l'aube ne se lève.
- Cette aube se lèvera. Pour nous et pour toi. Mais un jour, tu seras plongé dans les ténèbres et plus aucun rayon de soleil n'acceptera de te rendre la vue.

Dans un courant d'air, Riven s'estompa dans l'ombre avant même que Belik n'appelle la garde. Sans attendre le lendemain, il enferma Vesoria dans un cachot et s'octroya une garde rapprochée très serrée. Il avait peur. Belik Herstag n'avait jamais eu aussi peur.

- Elle ne pourra jamais m'atteindre, tente-t-il de se persuader en gaspillant la moitié de son copieux repas.

La journée était calme au domaine. Mais à l'extérieur, Riven déployait son arme : le peuple. Elle se mit à parler aux gens dans les commerces. A soudoyer quelques gardes pour offrir aux villageois le droit de s'exprimer le temps d'un jour. Le lendemain, ce sont les paysans qu'elle partît voir. La jeune femme leur conta comment c'était là d'où elle venait. D'où venait-elle ? Un nom de ville fictif et toutes les qualités du Dipelmer qu'elle a connu : les champs verdoyants, la nourriture, l'absence de maladies, les impôts supportés par un seigneur plus que par les paysans, les étales pleines à craquer, les marchés qui attiraient des voyageurs des quatre coins du royaume, les festivités et les cérémonies. Les vivres n'étaient pas si abondant que l'eau d'une rivière mais l'opulence résidait dans le bonheur qui habitait leur cœur de chacun. Ces visions de rêves donnèrent des ailes au peuple et le surlendemain, les paysans crier la mort du seigneur Herstag. Au loin, il put apercevoir le visage de Symbelin. Aucune joie malsaine sur son regard. Seulement le devoir accompli : l'heure de sa vengeance avait sonnée. Mais alors qu'il savait son sort scellé, Belik lui lança un dernier sourire. Riven s'efforça de garder les yeux ouvert lorsque sa tête fut détachée de son corps. Mais elle s'enquit alors de retrouver sa sœur dans la demeure.

- Vesoria ? Vesoria ?!

Dans les cachots, des paysans qui finissaient le boulot. Au fond, dans une cellule reculée, le corps de Vesoria gisait sur le sol. Riven découpa de sa lame une mèche de ses cheveux avant de la porter jusqu'à l'extérieur. Beaucoup de sang avait coulé ce jour-ci.

Rendre Dipelmer à ses habitants n'avait pas comblé la peine et la colère du cœur de Riven. Elle pleurait de rage ses frères et sœurs, ses parents et tout ceux qui avaient perdu les leurs dans cette révolte. Après les funérailles de Vesoria, elle décida de quitter le village avec l'intention de ne plus jamais y remettre les pieds. Plus jamais. La jeune femme se mit à parcourir les chemins, aidant les plus démunis sur son passage. Quelques petits complots dans quelques bourgades méconnues des grandes gens et le nettoyage de quelques routes barrées par de vils brigands. Peu à peu, on entendait dans les chants des bardes les histoires de l'Épée Juste. Une épée forgée par la foi des hommes pieux, un fourreau tanné par les Frères Entitéa les plus nobles, tenue par un ange blond aux yeux d'argent, stigmatisation de sa rencontre avec les dieux. Les louanges traversaient les tavernes. Mais la réalité était toute autre : une lame pleine de sang, le visage immaculé sur lequel viennent échoir les giclées de globules rouges. Une épée juste car elle défend les opprimés, mais le cœur d'une femme dévasté par la souffrance et les remords. Personne ne soupçonne que Fairsword, l'Épée Juste, est tenue par Riven Faal'Krein. Bien des optimistes seraient déçus... Les années passèrent et l'errance de Riven se poursuivit. Jusqu'au jour où elle rencontra cet homme qui lui rappelait son aîné, Daramid. Sauf qu'il était forgeron et non fils de seigneur. Après de longues rencontres dans l'ombre, il s'avérait que la femme s'était très attachée à lui. Ils décidèrent de se marier sous la bénédiction des dieux Entitéa.

La vie semblait prendre une autre tournure pour l'Épée Juste. Elle donna à son mari, Arcanor Killéad, un fils qu'elle nomma Thorgan. Mais la guerre sévissait dans le pays. Avant que Thorgan n'atteigne ses trois ans, son père dû partir en guerre contre le royaume de Gheimhridh. Jamais il ne revint... Un an après, des hommes du roi viennent frapper à la porte de la famille Killéad. Ils recherchaient L'Épée Juste. Cette personne avait été tenue responsable de la révolte à Dipelmer ainsi que l'éveil de certaines contrées. Elle devait s'estimer heureuse de ne pas être tenue coupable de pratique de la magie, précisèrent les hommes de mains du roi. Lorsqu'elle demanda ce qu'ils attendaient d'elle, ils lui déclarèrent que certaines affaires avaient besoin d'un inquisiteur. Que si elle acceptait d'offrir ses services, alors elle serait libre de vivre. Les contrats qui lui seraient confier seraient indiscutables et elle devrait prouver l'accomplissement de ses quêtes à un dignitaire dont elle ne connaîtrait que les initiales : PL. Riven refusa catégoriquement. Les hommes prirent son jeune fils et lui mirent une lame sur la gorge. Ne pouvant accepter que les siens payent encore le prix du sang, elle finit par accepter en leur faisant bien comprendre que si un seul mal était fait à Thorgan, plus jamais ils ne verraient se lever. Ils embarquèrent son fils, la laissant à sa misérable existence. Durant des jours, Riven attendit ses ordres. Une lettre finit par arriver. Une ville, un nom, les initiales PL à la fin. Elle fit son sac puis exécuta les directives. Ce fut la première fois qu'elle tua un innocent. Innocent... peut-être pas. Après avoir fait son œuvre, elle prit le temps d'enquêter sur l'homme décédé. Il s'avérait que c'était un violeur notoire. Les contrats s'enchaînèrent. De façon plus ou moins ponctuelle. Il pouvait se passer des semaines sans qu'aucun messager ne vienne à sa rencontre. Riven redevenait l'Épée Juste lorsque les temps étaient calmes. Les contrats qui lui étaient donnés concernés des personnes malhonnêtes. Même si selon elle le châtiment était trop dur comparés aux crimes, cela rentrait dans les cordes de sa conscience. Mais l'identité de son employeur la préoccupait silencieusement. Cependant, à chaque fois qu'elle voulait en savoir plus, Riven observait l'anneau qu'elle portait : un anneau dans un alliage commun, première œuvre de son fils unique. Cela lui permettait de rester à sa place : jamais elle ne se pardonnerait que le moindre mal ne lui soit fait.